Safia Nolin, je ne la connaissais pas avant. Avant l’ADISQ. Avant le tsunami d’insultes qu’elle a reçues sur Internet et dans les journaux après être montée sur scène pour recevoir son prix.
Mais là, tout le Québec la connait.
Et peut-être pas pour les bonnes raisons.
Safia Nolin est une chanteuse québécoise. Elle a une belle voix, du moins pas mal plus belle que la mienne quand je chante à tue-tête du Bryan Adams dans ma Rondo. Mais sa voix, ce n’est pas ce que plusieurs ont retenu d’elle. Malheureusement.
D’abord, son habillement a suscité un tollé de critiques. Ça ne me regarde strictement pas la façon dont elle s’habille. Personnellement, dans un gala d’une telle envergure, je me serais habillée mieux, j’aurais pris soin de mon apparence pour l’occasion. Surtout quand c’est ton premier rendez-vous, la première impression que tu laisses à un potentiel public qui pourrait acheter ta musique. D’ailleurs, Philippe Brach et Jean Leloup n’ont pas eu plus de goût ce soir-là. Mais eux, ce sont des hommes, et ils sont connus depuis plus longtemps. La société leur en permet plus…
Faut l’avouer, l’image, au Québec comme partout ailleurs, c’est important quand on fait de la scène et que nos revenus dépendent d’un public qu’on doit séduire. Safia Nolin a choisi l’image qu’elle voulait, ça la concerne. Passons à un autre appel. Chacun ses goût.
Je suis prof. J’enseigne à mes élèves (et à mes enfants) comment bien se tenir en société. Y a des choses qui ne se disent pas dans certains contextes plus sérieux. Dans le salon chez nous, ça peut passer. Mais quand on entre en scène, qu’on a une image à préserver, ça nécessite un minimum de classe. C’est ici que le mot respect entre en jeu.
La liberté d’expression, c’est précieux. C’est nécessaire. Mais pas à tout prix ou dans toute circonstance. Safia Nolin a le droit de traiter sa sœur de grosse conne en blague dans son salon. Quelle bonne blague, d’ailleurs! Mais la traiter de grosse conne devant des milliers de personnes qui ne connaissent ni leur relation, ni le contexte de ce «grosse conne», ça ne se fait pas. Ça n’a pas de classe. Pas plus que sacrer. Même si t’es nerveuse, même si t’as oublié de te préparer des remerciements de qualité. Safia Nolin était sur la scène de l’ADISQ, un trophée convoité par tous entre les mains. Elle n’était pas dans son salon.
C’est comme Mike Ward avec le petit dont il s’est moqué. Tu penses ce que tu veux dans ta tête dans le salon chez vous, mais ça doit s’arrêter là. Dans le salon, et, encore mieux, dans ta tête.
Safia Nolin savait sûrement que les gens allaient jaser d’elle le soir de l’ADISQ si elle montait ainsi sur scène, car elle est une habituée de l’intimidation. Elle est habituée de faire rire d’elle pour toutes sortes de raisons. C’est ce que j’ai lu du moins, et c’est malheureux. Triste. Désolant. J’ai toujours défendu les gens qui se font intimider. Mais aide-toi un tantinet! Mets les chances de ton côté en ne donnant pas de munitions aux intimidateurs. C’est bien beau de vouloir être soi-même coûte que coûte, mais faut être prêt à faire face aux conséquences sans crier à l’intimidation. Plusieurs autres personnalités publiques originales se sont démarquées et ont fait couler beaucoup d’encre sans se présenter ensuite comme des victimes.
C’est faux et utopique de croire qu’en société on peut faire et dire ce que l’on veut. Parce qu’on n’est pas dans son salon.